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L’entrepreneuriat féminin à Gafsa en faveur d’un artisanat durable

août 26, 2022

Faut-il être un expert ou un grand responsable pour considérer l’économie circulaire comme un levier de l’économie, voire un pilier de développement durable et inclusif de votre région ? De plus en plus de jeunes entrepreneurs des régions défavorisées se posent cette question et sont conscients que l’économie circulaire peut aider à rompre avec la logique simpliste qui prévaut : extraire pour fabriquer, consommer puis jeter. Face à l’épuisement des ressources de leurs régions ces jeunes pensent produire autrement en intégrant l’écologie à tous les niveaux de la conception à la production en passant par le recyclage.

« J’ai imaginé un business model où mes ressources doivent être le plus souvent naturelles ou renouvelables, où le recours aux produits chimique est évité et dont le maillon essentiel est le zéro déchet ». Sassia Bougatef, 40 ans native de la région de Belkhir, Gafsa a un rôle à jouer comme entrepreneure amie de la nature. Elle nous apprend que le pilier de son activité repose sur le recours aux matières premières naturelles, l’exploitation des déchets et leur recyclage.

« Belkhir est une zone rurale, où l’économie repose essentiellement sur le travail des femmes, l’élevage, le travail dans les champs, l’apiculture, la poterie ou le tissage du mergoum. J’ai arrêté très tôt mes études vu nos faibles moyens financiers et c’est aux côtés de ma mère que j’ai fait mon apprentissage sur le métier à tisser ».

Derrière le métier à tisser Sassia découvre tout un monde riche en symboles, en couleurs et en formes géographique avec lequel elle s’exprime et qui reflète la richesse d’un patrimoine culturel qui a traversé plusieurs générations. Jeune et ouverte d’esprit elle apprend très vite aux côtés de sa mère et des femmes de sa communauté et décide d’aller plus loin et de partager tout ce savoir faire avec les femmes de sa région. En 2018 et avec l’aide de ses parents, elle aménage son propre local et y lance son activité, la fabrication et la commercialisation de mergoums à base de matières premières naturelles et recyclées. Dans la foulée elle fonde deux années plus tard  « Socrate pour le développement de la femme rurale », un groupement pour les femmes tisserandes de Belkhir, où 30 femmes qui vivent de ce métier se réunissent et développent leur activité autour d’une ressource naturelle durable, la laine et de matières premières recyclées.

« Comme on dit la force vient de l’Union, j’ai mis mon local à la disposition des femmes tisserandes de Belkhir, c’est là où elles se retrouvent pour bénéficier de mes formations dans le travail de la laine, pour exposer leurs mergoums à la vente, ou pour dispatcher les commandes qui nous parviennent. C’est aussi le point de base de notre chaine de valeur laine qui commence par sa collecte, son lavage et sa transformation, sa teinture, sa filature, son tissage et enfin sa commercialisation. Tout se fait de façon naturelle ». Sassia a mis un point d’honneur pour développer tout un cycle naturel du travail de la laine qui commence par l’approvisionnement et qui permet à tous les intervenants de développer des ressources de la région et d’en tirer des revenus.

« Pour l’approvisionnement j’ai développé des contrats avec les agriculteurs de la région. Ces approvisionnements me permettent de garantir des qualités de choix. Le lavage et le traitement de la laine est assuré par les femmes du groupement sans aucun additif chimique. Pour la teinture de la laine, les femmes cueillent différentes plantes telles que l’armoise, le thym et le romarin qui nous permettent de jouer pleinement et naturellement sur le choix des couleurs. Nous recueillons également auprès des cafetiers et des échoppes les déchets de café, thé, et de fruits (bananes, fraises) qui nous permettent de diversifier naturellement les couleurs ».

En 2020 Sassia rencontre les experts du Projet Mashrou3i qui donnent un nouvel élan à son activité et son groupement. Ils l’aident à développer davantage cette structuration, Ils l’aident également sur la qualité de la laine, les prix, et les méthodes de marketing et de présentation des produits.

« Grâce à l’appui de Mashrou3i, mes clients viennent de partout de Tunisie et même de l’étranger aujourd’hui. Ils viennent surtout pour prendre connaissance de la chaîne de valeur, et quand ils achètent un produit, ils achètent aussi une histoire. L’idée de chaîne de valeur était toujours présente dès mes débuts, elle s’est développée avec l’appui de Mashrou3i ».

Sassia a aussi bénéficié avec 13 autres groupements du nord et sud de la Tunisie de coaching et de formations techniques pour améliorer ses produits, pour innover, pour structurer sa charte graphique, ses emballages, sa communication et améliorer sa chaîne de valeur.

« Avec Mashrou3i j’ai appris à développer une vision d’avenir. Quand je vends mes tapis aujourd’hui dans les foires, je vends aussi leur histoire celle de tapis berbères 100% naturels fabriqués par une chaîne d’intervenants de la région et à partir de produits biologiques ou recyclés. Nous travaillons actuellement sur un catalogue qui racontera l’histoire et les détails techniques de chaque tapis. Nous travaillons également sur la conception d’un site web marchand et d’une marque territoriale des tapis berbères que nous concevons comme un facteur d’attractivité et de création d’emplois dans notre région… ».