Mashrou3i

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Petites abeilles pour grands défis

mai 19, 2022

A Sbeïtla, ville inscrite dans le patrimoine historique et archéologique du gouvernorat de Kasserine, Adel Bouzidi a choisi de se tourner vers un domaine agricole encore peu développé dans sa région : l’apiculture. Nées d’une passion qui s’est transmise de père en fils depuis 3 générations, les ambitions apicoles de Adel ont poussé le jeune entrepreneur a installer ses premières ruches sur le domaine oléicole familial il y a déjà plus de 20 ans.

Certifié en apiculture auprès du Concours national du Ministère de l’agriculture dans les années 90, Adel a complété son parcours vocationnel à travers une formation additionnelle dans l’élevage agricole en 2003 avant de se lancer dans la culture de ruches.

« Notre monde a beaucoup changé avec le progrès technique. Et cela s’est répercuté dans tous les domaines y compris l’apiculture. Même si j’ai tout appris de mon père et de mon grand-père, il était important selon moi d’acquérir de nouvelles compétences afin de m’adapter aux dernières technologies dans le domaine de l’apiculture et de l’agriculture. »

Après s’être formé aux nouvelles techniques apicoles, le jeune entrepreneur démarre seul un parcours du combattant afin d’obtenir les fonds et les autorisations nécessaires à la création de son entreprise.

« Les années 2000 ont été très compliquées pour moi. Les blocages administratifs et le manque de fonds m’ont pénalisé dans le lancement et le développement de mon projet apicole. Après quelques années dans le bâtiment, j’ai petit à petit économisé les fonds nécessaires pour acheter mes ruches. »

Adel commence timidement avec une trentaine de ruches, puis étend très vite son parc à 121 ruches en moins d’un an. Avec l’augmentation de sa production, Adel acquiert des machines de presse qui l’aident à faciliter l’extraction du miel, puis commence à écouler ses produits dans sa région, et parfois dans les régions du sahel, et la capitale.

« Tout est question de fidélisation. Grâce au bouche-à-oreille, les gens ont très vite voulu goûter à mon miel. La qualité de mon miel a pris le relai, et j’ai réussi à fidéliser chaque nouveau client que je gagnais. D’autant plus qu’en Tunisie, nous sommes très sensibles aux vertus de notre patrimoine naturel. Le miel est très utilisé pour soigner les maux de gorge, les rhumes saisonniers. Plus le miel est de qualité, plus le client l’associera à son bien-être et à sa santé. »

Quelques années plus tard en 2020, Adel intègre les bénéficiaires du projet Mashrou3i. Les experts du projet l’aident tout d’abord à enregistrer son entreprise au bureau de l’emploi. Puis il réalise une formation technique en apiculture et en amélioration des compétences en hygiène et sécurité alimentaire.

Mais lorsque les températures caniculaires touchent la Tunisie en été 2021, Adel perd une large quantité de ses niches. Non seulement les plantes sèchent rapidement, mais les abeilles elles-mêmes ne survivent pas aux températures excessives et à la sécheresse observée durant 5 mois consécutifs.

« Depuis ces 15 dernières années, les conditions sont devenues très difficiles pour les apiculteurs. Et cela va malheureusement de mal en pis. Outre le réchauffement climatique, l’usage intensif des pesticides dans les régions agricoles mettent en péril nos activités et notre métier. »

Adel rêve de plus de conscience environnementale de la part des autorités, de régulation des utilisations et d’usage de pesticides non invasifs, et de mise en place de surfaces agricoles biologiques contrôlées afin de de garantir la préservation des abeilles et leur développement sain et durable.

« Aujourd’hui, nous les apiculteurs, sommes vulnérables à chaque défi environnemental et à la moindre difficulté nous pouvons perdre toutes nos ruches. Cela inclut aussi la perte de nos revenus et d’emplois. Mais malgré tout, nous avons la force de toujours nous relever. Ce qui me fait tenir c’est avant tout la passion et l’amour de mon métier et de ma région, en espérant que les plus jeunes générations sauront un jour prendre le relai pour préserver nos richesses de manière durable. »